A l’approche de la première Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie, le 29 janvier, un artiste a entrepris de rassembler les Canadiens et le monde entier pour agir contre l’islamophobie par le biais de récits numériques.
La campagne du 29 janvier, sur Islamophobia.io, est un appel à une plus grande solidarité avec les victimes de la tuerie de la mosquée de Québec en partageant une lettre numérique personnelle de commémoration.
Le projet s’inspire d’un sentiment d’urgence : « je voulais faire quelque chose d’immédiat, qui soit instantané et qui puisse apporter un changement radical », explique Asim Hussain, qui préfère utiliser son nom professionnel, @studentAsim. Le nom se renvoie à son désir constant d’apprendre pour s’améliorer et rendre service aux autres.
« Donc, j’ai conçu ce concept autour l’idée d’en faire quelque chose, au lieu de se contenter d’en entendre parler ».
L’ampleur de l’islamophobie
Ce « contenant » d’histoires vraies, racontées par les membres de la communauté eux-mêmes, a pour but de garder vivant le souvenir des victimes, dit @studentAsim, qui espère que les gens « apprennent sur l’ampleur et l’urgence de l’islamophobie de la part des musulmans et des alliés qui ont déjà partagé leurs lettres ».
Il affirme la pertinence du projet dans le contexte du harcèlement croissant auquel sont confrontés les musulmans au Canada, dont deux incidents majeurs de violence, le massacre de la mosquée de Québec en 2017 et le meurtre de la famille Afzaal à London, en Ontario, en juin 2021.
Selon @studentAsim, ces récits servent à combattre les préjugés et faciliter la compréhension entre des personnes aux croyances et expériences diverses.
« Cela devient très intime parce qu’il s’agit … des histoires et des lettres du public » explique l’artiste. « Donc, c’est le public qui aide le public à s’informer sur un sujet qui est public… c’est un phénomène public d’islamophobie. Pourtant, les Canadiens l’ignorent ».
Il dit qu’il a entendu à plusieurs reprises des personnes, y compris des personnes dans des postes d’autorité, dire qu’elles ne saisissent pas l’impact de l’islamophobie sur les musulmans.
Par exemple, lorsqu’une enseignante québécoise a été réaffectée à cause du porte du hijab en vertu du projet de loi 21, beaucoup ont écrit qu’ils n’avaient pas réalisé la gravité de la situation, dit-il, même si le projet de loi empêchant les personnes occupant des postes gouvernementaux de porter des symboles religieux était déjà en place depuis deux ans.
« Donc, c’est dangereux, n’est-ce pas ? » ajoute @studentAsim. « Parce que c’est un récit que les gens ne voient pas, mais qui est aussi en parallèle de leur propre récit ».
L’art contre la haine
Pour @studentAsim, Islamophobia.io incarne la conviction que l’art et la créativité peuvent contrer la haine.
Le site web de la campagne a été conçu dans un souci de simplicité et d’accessibilité, dit l’artiste. Les gens peuvent y envoyer leurs histoires facilement grâce à un formulaire en ligne. Les lettres peuvent être rédigées dans n’importe quel style, et elles peuvent être de n’importe quelle longueur. On peut également raconter une histoire de manière anonyme.
L’idée est née il y a 10 ans, lorsque @studentAsim a décidé de recueillir des récits sur le ramadan. Il a reçu des histoires de personnes du monde entier, ce qui l’a beaucoup encouragé à poursuivre le projet.
Il a commencé à travailler sur Islamophobia.io en 2019. Il s’attendait à ce que la campagne soit prête pour le ramadan cette année-là, mais la pandémie et les défis technologiques ont retardé le lancement.
Selon lui, la plateforme Islamophobia.io est unique en ce qu’elle propose un dépositaire d’histoires regroupées en un seul endroit, avec une processus de sélection qui est axée sur le changement. Les internautes peuvent facilement voir les informations clés des histoires partagées, telles que le titre, la religion et l’âge de l’auteur, et décider ensuite où cliquer pour en lire davantage.
Il a opté pour un format numérique pour raconter ces histoires parce qu’en plus de l’évolution rapide des médias, les histoires numériques pourraient avoir une large portée et un impact à long terme.
« Je vous garantis que quelqu’un va lire votre lettre » affirme @studentAsim.
« Et cette lettre sera là le 30 janvier. Et le lendemain, et le lendemain et le lendemain, parce que les lettres sont numériques. Les lettres seront conservées. Donc, elles effectueront un changement bien après le 29 janvier. Et c’est ce qui m’intéresse ».
Impliquer les différentes communautés
Né de migrants pakistanais, @studentAsim constate que les membres de la communauté sud-asiatique sont « tous mis dans le même panier » au Canada, indépendamment de leur culture et de leur religion.
Il souhaite pouvoir recueillir les histoires d’autres personnes qui subissent des préjugés en raison de leur apparence musulmane, comme la communauté sikh. Idéalement, dit-il, la plateforme permettra de recueillir différents types d’histoires provenant de différents publics et destinées à ceux-ci.
Jusqu’à présent, il a reçu près de 100 lettres des personnes toutes origines confondues
« Les gens ont exprimé leur solidarité, ils se sont adressés directement aux victimes. Ils se sont adressés aux familles des victimes », explique @studentAsim.
« Certaines personnes ont parlé du fait qu’elles ne pouvaient même pas imaginer vivre sans un parent. D’autres ont dit : “Ce n’est pas mon expérience, mais en lisant les lettres ici, je comprends l’ampleur de cet événement et l’ampleur de l’islamophobie, l’ampleur des préjugés” ».
Pour @studentAsim, pouvoir interagir avec des personnes qui comprennent et croient en ce projet est bien plus important que le nombre de lettres reçues.
Il a été particulièrement touché par ce qu’un jeune a écrit : « “Peu importe si cet acte passe inaperçu, je vais quand même le faire, parce que ça compte” ».
« Même si une seule personne a écrit une lettre, cela signifie beaucoup pour moi », déclare @studentAsim. « Chacune de ces lettres ont de la valeur pour moi ».
Je pensais à vous depuis longtemps
Le monde est un endroit numérique
Et nos voix le sont également
La plateforme est facile
Il est si simple de changer les choses
Vous êtes invités
Quand les victimes appellent à nous depuis leur position de repos,
Ils sont vraiment ceux qui sont partis
Le reste d’entre nous ne sont qu’accessoires…
-@studentAsim
Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’un projet spécial du Programme de formation et de mentorat avancé de NCM et Village Media pour les journalistes immigrés
Daniela Cohen is a freelance journalist and writer of South African origin currently based in Vancouver, B.C. Her work has been published in the Canadian Immigrant, The/La Source Newspaper, the African blog, ZEKE magazine, eJewish Philanthropy, and Living Hyphen. Daniela's particular areas of interest are migration, justice, equity, diversity and inclusion. She is also the co-founder of Identity Pages, a youth writing mentorship program.